Restaurer la peinture d’un Kodak Six-20 Brownie Target

Trouvé dans un vide grenier l’année dernière, ce box Kodak Six-20 Brownie Target était dans un état peu flatteur. Du moins sur sa façade, car le mécanisme, la cuirette et la poignée étaient dans une forme raisonnable. Vue de devant, les dégâts étaient multiples, mais uniquement esthétique : la rouille avait rongé une grande partie du métal, soulevant quasiment la totalité de la laque noire.

L’état initial de l’appareil – Avon – Ilford HP5

Était-ce raisonnable de dépenser autant d’énergie et de temps sur un box aussi commun ? Peut-être pas, mais c’est la passion qui a parlé. C’était également un bon entrainement, sans grand risque, qui m’a servi d’expérience pour d’autres restaurations à venir sur des appareils plus vénérables.

Voici donc comment j’ai restauré cet appareil Kodak, étape par étape.

Démontage

Le démontage de ce box se limite au retrait de la face avant, ici recouverte de cuirette noire. Pour info, la manoeuvre sera similaire sur des Kodak SIx-20 Brownie Junior (façade art déco en métal). Cette façade est maintenue par 4 vis dans les coins de la façade (entourées en rouge). Elle est également bloquée par le levier de sélection de pose (rond vert).

Indication de démontage

Il m’a fallu pour l’extraire retirer les 4 vis, puis aplatir cette tirette à l’aide de deux pinces et d’un linge protecteur pour éviter toute rayure. C’est beaucoup plus facile que ça en a l’air, et cette méthode vaudra également pour d’autres box Kodak (le Beau Brownie, par exemple).

Décapage

Me voilà avec l’accès aux entrailles de l’appareil !

Première grande manœuvre, il a fallu faire tomber la peinture noire résiduelle. On ne peut pas peindre par dessus, cela serait très inesthétique. De plus, la nouvelle peinture ne tiendrait pas et s’écaillerait à nouveau rapidement.

Sur mon modèle, le simple passage d’un outil en bois (un pic à brochette en bambou) a suffi à dégager l’ensemble de la peinture. Il faut être assez patient, et les petites écailles récalcitrantes pourront être éliminées lors de l’étape suivante, le ponçage.

Notez : les contours des viseurs étaient encore corrects, j’ai préféré les laisser tels quels.

Ponçage

Une fois la peinture retirée, c’est la rouille de la façade qu’il fallait éliminer. Ici, l’oxydation était généralisée mais pas trop épaisse. Un simple papier abrasif, au grain fin (180), a suffi à faire réapparaitre l’acier brut. Dans les endroits peu accessibles, il a fallu faire glisser le papier, plié, avec un outil fin : un petit tournevis ou un cure-dent.

Sur des surfaces plus grandes, on pourrait également travailler à la laine d’acier. Attention à utiliser des gants pendant l’opération.

Nettoyage

Il est temps de dépoussiérer et de nettoyer les miroirs et viseurs. Mon propre appareil avait un miroir désolidarisé qu’il a fallu recoller une fois la peinture terminée.

Toute la poussière créée par le ponçage a été soigneusement essuyée puis soufflée (à la poire) pour éviter de l’emprisonner sous la peinture.

Préparation à la peinture

C’est le passage indispensable ! Il faut protéger toutes les parties qui ne doivent pas être peintes, et en particulier les lentilles et miroirs de l’appareil. Sans ça, le box deviendrait inutilisable.

Bien entendu, je n’ai travaillé qu’avec le corps métallique, laissant la boîte en carton de côté.

Pour protéger le reste, j’ai utilisé de l’adhésif de masquage de bonne qualité. Lorsque nécessaire, j’ai découpé des formes, par exemple pour couvrir les viseurs (dépolis et parties métalliques) avec un rectangle d’adhésif au bon format, ajusté pour passer dans l’encoche sous-jacente.

Pour protéger de plus grandes surfaces, j’ai utilisé un bouclier en papier : un morceau de feuille A4 a protégé l’ensemble des parties internes du Brownie Target : mécanisme, lentille, miroirs, etc., et d’autres feuilles ont protégé l’extérieur du corps métallique.

Enfin, j’ai choisi de protéger le filetage des trous qui reçoivent les vis de façade : cette visserie étant quasiment centenaire, il vallait mieux la préserver et ne pas à avoir à forcer lors du remontage.

Le plus long est fait ! Restait à positionner l’appareil ainsi protégé sur un (grand) carton pour protéger les murs et sols, et la partie fun allait pouvoir commencer.

Application de la peinture

Pour obtenir une nouvelle laque lisse et sans aspérité, j’ai opté pour une peinture en aérosol couleur noir brillant, achetée chez Cultura. Pensez à tester votre aérosol avant toute autre opération : vous pré-agiterez la peinture, vous confirmerez ainsi la bonne distance d’application, vous vérifierez si la couleur vous convient bien, et vous saurez tout de suite s’il y a un défaut (une buse qui reste coincée en position appuyée, par exemple… vécu !).

L’application se fait en général en plusieurs fois : plusieurs angles d’approche, et plusieurs couches. Il est généralement difficile de trouver une manière de poser l’appareil qui donne accès à toute la surface à peindre. Mais dans le cas de ce Brownie, il a suffi de poser l’appareil sur le dos, et de tourner autour avec la bombe.

On maintient la bombe à 20-30cm de la surface, on effectue des passages régulier et rapides. On ne projette surtout pas plus d’une seconde sur un même endroit ! C’est la dégoulinade assurée, la cata, tout à refaire ! 😮

Il faut faire juste assez de passages pour appliquer une première couche sur l’ensemble de la surface. Les manques apparents seront recouverts par la suite lors des deuxièmes et troisièmes, voire quatrièmes couches.

Le temps de séchage entre deux couches était d’au moins une heure pour la peinture utilisée sur cet appareil. Vérifiez sur la vôtre les préconisations. Et n’y mettez pas vos doigts avant d’avoir laissé au moins reposer 24 voire 48 heures. La surface peut paraître sèche, mais en profondeur c’est encore souple et vous risquez, comme moi, d’y laisser votre empreinte (digitale, littéralement).

Remontage

Une fois la peinture sèche, j’ai décollé les adhésifs en les tirant à 45° de la surface pour éviter d’arracher la peinture. Pour les petites pièces, vous pouvez vous aider d’une pince à épiler. Évitez les cutters qui glissent et vous rayent votre belle laque toute neuve.

48h plus tard, les outils pour ôter les adhésifs. Attention aux cutters, la peinture fraîche est fragile et les miroirs, dépolis et lentilles également. Vous pouvez voir sur la gauche le miroir en attente de collage.

Le remontage était assez simple, en sens inverse du démontage : j’ai réinséré la tirette dans sa fente et repositionné la façade. Je l’ai vissée en place, puis rendu sa forme initiale à la tirette à l’aide des deux mêmes pinces. Enfin, j’ai replacé le dos de l’appareil. Et j’ai enfin pu observer avec satisfaction mon Kodak Six-20 Brownie Target comme neuf !

Conclusion

Quelques remarques en conclusion :

  • Cette restauration a eu lieu il y a plusieurs mois déjà, je souhaitais voir si la peinture tenait dans le temps. C’est le cas, je suis donc très heureux du résultat.
  • Ce que je ne referai pas : mettre mes doigts sur la peinture ! Je suis le seul à voir le défaut que j’ai créé, mais je ne voie plus que ça… 🙁
  • Ce que je referai : la peinture en aérosol est tout à fait adaptée à l’ouvrage. J’essaierai sur un prochain appareil la version noir mat pour l’intérieur des appareils.

Si vous avez des conseils pour compléter ce guide, ou des questions pour effectuer votre propre restauration, n’hésitez pas à laisser un commentaire ou à me contacter directement sur Twitter ou Instagram.

Remplacer une batterie dans un Polaroid type 100

En juillet dernier, j’ai fait l’acquisition d’un modèle exceptionnel de Polaroid 230. Dans sa boîte, neuf, avec sa facture en francs djibouti de 1969.

Si vous ne connaissez pas cette gamme d’appareils à soufflet (Polaroid séries 100, 200, 300…), représentez vous des engins assez massifs qui permettent de faire des photographies instantanées de la taille d’une petite carte postale. Voici la bête, ci-dessous, comparé à un reflex Canon.

Un des défis avec ces appareils consiste à remplacer un modèle de batterie qui n’existe plus dans la distribution courante. La Eveready 531/532 était un gros cylindre avec des clips à chaque bout où venaient se ficher les connecteurs de l’appareil. On peut trouver des substituts hors de prix (10€ mini) au doux nom de A19PX/A24PX.

À de nombreuses reprises, j’ai rencontré sur le web des tutoriels qui indiquent comment remplacer cette batterie de 3 ou 4,5 Volts par un support pouvant emporter respectivement 2 ou 3 batteries de type AAA. L’idée est alléchante, les piles se trouvent partout. Mais ces modifications se font au dépens de l’intégrité physique de l’appareil, à grand coup de pinces coupantes et autres pratiques barbares.

Attention, les images ci-dessous peuvent choquer les âmes les plus sensibles.

Je lance donc un grand cri du cœur : STOP ! Ne charcutez plus vos appareils ! Voici une solution, parmi d’autres je n’en doute pas, qui vous permettra de shooter de l’instantané à moindre frais.

L’arsenal requis

Voici la longue liste des éléments dont vous aurez besoin pour substituer cette batterie Eveready 531 ou 532.

Les piles

Vous devez remplacer une batterie de 3 ou 4,5 Volts. Il faut donc 2 ou 3 batteries de 1,5V. Parmi les plus petits formats, il y a les piles-bouton LR44.

Les piles alcalines ont des défauts rédhibitoires en photographie, nous en reparlerons probablement un jour. Mais surtout ici nous avons besoin d’une capacité bien plus importante que ce que les LR44 peuvent emporter, ce qui conduit les gens à utiliser les trop grosses piles AAA.

La solution tient dans les batteries zinc-air PR44, l’équivalent des LR44 alcalines, mais avec jusqu’à 6 fois leur capacité. Seul le voltage est un peu plus bas, à 1,35V. Dans notre cas ce sera négligeable.

Leur prix ? Accrochez-vous bien. Généralement moins d’1€ l’unité, encore moins si vous achetez un stock d’avance : 26cents l’unité pour un pack de 60. Votre banquier vous pardonne déjà.

Les connecteurs

Les petits malins qui auront recherché à quoi ressemble l’Eveready d’origine auront sans doute remarqué que ses clips ressemblent à s’y méprendre à ceux des piles carrées 9V. Ce sont exactement les mêmes.

Ces clips pourront être commandés à 25 centimes chez Selectronic. Attention à prendre un modèle flexible, les connecteurs étant un peu larges dans le Polaroid.

Le support

C’est la partie la plus onéreuse, mais vous pourrez faire jouer votre imagination.

Vous pouvez tenter de maintenir les piles entre elles à l’aide d’un ruban adhésif ou d’un élastique. Ce n’est pas optimal, ça risque de lâcher au mauvais moment, mais c’est jouable et ça coûte 0€.

Si vous préférez un peu de sécurité, il vous faut un support dédié pour les piles. Il en existe sur internet, mais parfois au prix de frais de port prohibitifs. Vous pouvez aussi la jouer bricoleur. Je n’ai pas essayé moi même mais l’idée me plaît !

La solution pour laquelle j’ai opté, c’est d’utiliser l’impression 3D. Il existe des supports, conçus par les internautes, qui peuvent être commandés ou téléchargés si vous disposez d’une imprimante 3D. J’ai conçu moi-même mon support, et j’ai profité d’une autre commande chez Sculpteo pour mutualiser les frais de ports. 6€, c’est plus cher que le scotch, mais plus sécurisant.

Le résultat

Reliez les fils des clips au support, placez vos piles, branchez dans l’appareil. Et voilà !

Le résultat.

Si vous vous débrouillez bien, pas besoin de souder, pas besoin de couper, pas besoin de démonter quoi que ce soit ! Et surtout, nul besoin de taillader les entrailles votre appareil.

Amusez-vous bien avec votre Polaroid type 100, et envoyez moi des photos de vos montages et des scans de vos polas !